La valeur des murs d’hôtel est intimement liée à la qualité de leur emplacement le plus souvent dans les grandes villes mais parfois dans des lieux plus isolés situés dans la périphérie de grandes agglomérations.
L’évaluation des murs procède donc d’une analyse du marché immobilier à travers essentiellement deux méthodes habituellement utilisées, l’une par comparaison en comparant les prix pratiqués pour des immeubles similaires situés dans le même quartier, l’autre par capitalisation en partant de la rentabilité de l’immeuble à travers les loyers perçus par le propriétaire et en affectant les loyers annuels d’un coefficient multiplicateur variant de 2 à 7 généralement.
Mise à part les grands palaces parisiens dont la valeur des murs et du fonds de commerce sont approchés par des méthodes financières, les hôtels classiques de deux à quatre étoiles font l’objet d’une évaluation tenant compte de la valeur du fonds de commerce laquelle conditionne la valeur des murs.
En effet, la valorisation des fonds de commerce d’hôtel s’opère à partir du chiffre d’affaires hors taxes réalisé par l’hôtelier dans l’année, auquel on applique un coefficient multiplicateur allant généralement de 2 à 4 suivant le classement touristique de l’hôtel.
Bien que les nouvelles méthodes expertales préconisées permettent d’obtenir une augmentation du loyer lors du renouvellement du bail, le loyer d’un hôtel déterminé suivant la méthode hôtelière en usage le plus souvent, assure une rentabilité des murs inférieure à ce qu’elle serait si l’immeuble était loué à un autre usage comme par exemple l’habitation.
La baisse de rentabilité des loyers peut attendre 30% et plus par comparaison entre les loyers d’un hôtel et d’un immeuble classique.
Pour cette raison, pour les hôtels situés dans des quartiers peu touristiques, le poids du fonds de commerce peut représenter une charge supérieure à la valeur des murs dans lequel il est exploité.
Ce raisonnement présente une importance lorsque le propriétaire des murs envisage de les céder sans considération de la destination hôtelière de l’ensemble.
Pour ces raisons, l’achat de murs hôteliers ne présentera aucun intérêt pour l’acquéreur alors que l’immeuble n’a pas une rentabilité suffisante et que cette rentabilité ne pourrait être rétablie qu’en refusant le renouvellement du bail de l’hôtelier avec versement d’une indemnité d’éviction supérieure à la valeur de l’immeuble.
Inversement, l’acquisition des murs d’un hôtel par l’hôtelier présentera un intérêt dans la mesure où les murs seront sous-valorisés par rapport au fonds de commerce.
I – L’APPROCHE DE LA VALEUR DES MURS PAR UN INVESTISSEUR ET UN HOTELIER
A. En ce qui concerne l’investisseur
Comme nous l’avons vu, les murs d’un hôtel placé dans un secteur de moyenne commercialité dépasseront rarement la valeur du fonds de commerce qui y est exploité.
De ce fait, il sera difficile de trouver un investisseur intéressé par des murs hôtelier donnant un rendement locatif très inférieur à ce qu’il serait si l’immeuble était affecté à un autre usage que l’hôtellerie.
En effet, pour changer l’usage et transformer l’immeuble, il sera nécessaire de verser une indemnité d’éviction à l’hôtelier, laquelle sera égale au préjudice qu’il subit du fait du refus du renouvellement de son bail soit la valeur de son fonds de commerce.
L’achat des murs d’un hôtel ne se réalisera donc pas en fonction de sa rentabilité mais de la valeur des murs après déduction de la valeur du fonds de commerce représentée par l’indemnité d’éviction qui sera nécessaire pour libérer les murs de tout occupant.
Ce sont donc les immeubles à usage hôtelier situés dans les meilleurs quartiers des grandes villes qui peuvent présenter un intérêt pour un investisseur sous réserve que la transformation d’usage de l’immeuble qu’il va opérer permette un profit malgré le coût d’acquisition de l’immeuble et le coût de l’éviction de l’hôtelier.
Par exemple, si les murs libres valent 12 millions d’euros et le fonds de commerce d’hôtel qui est exploité vaut 5 millions d’euros, l’investisseur ne proposera pas un prix d’achat supérieure à (12m – 5m =) 7 millions d’euros, et demandera également un abattement tenant à la prise en charge des droits de mutation lesquels viendront en déduction du prix offert.
Il convient de rappeler également la possibilité pour l’hôtelier de préempter l’acquisition des murs en cas de vente de la totalité de l’immeuble s’il n’existe aucun autre locataire et exploitants de l’immeuble. L’article L145-46-1 du Code de Commerce est en effet ainsi rédigé pour exclure le droit de préemption du locataire : « Le présent article n’est pas applicable […] à la cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux […]. »
Il est à craindre en effet que l’absence d’autres locataires, puisque le pluriel est utilisé pour qualifier les locaux commerciaux, entraine l’application en cas de location unique à l’hôtelier de son droit de préférence lors de la vente des murs.
Ce droit de préemption risque d’être l’occasion d’un contentieux en raison de la rédaction maladroite de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, lequel utilise la notion non de vente mais l’intention de vente du propriétaire (envisage).
Vous pourrez voir à ce sujet le commentaire de l’arrêt de la Cour d’appel de PARIS pôle 5, Chambre 3, en date du 27 mai 2020, RG 19/09638 – publié dans la revue ADMINISTRER n°545 août septembre 2020, p.41 ainsi que l’article : « le droit à honoraires de l’agent immobilier en cas de préemption des murs par un locataire commerçant ». – publié dans la revue ADMINISTRER n°528 Février 2019, p.18.
La décision d’investissement devra donc tenir compte du profit possible en cas d’acquisition des murs et transformation de l’immeuble ainsi que de la durée du bail restant à courir pour le preneur, créancier de l’indemnité d’éviction.
B. En ce qui concerne l’hôtelier
En cas de vente des murs de l’hôtel au profit d’un tiers acquéreur, l’hôtelier pourra craindre une éviction lors du renouvellement de son bail.
Certes, l’hôtelier est protégé s’il bénéficie du droit de préemption que lui reconnait les statuts des baux commerciaux mais il n’est peut-être pas disposé ou n’a pas les moyens d’acquérir les murs de son hôtel pour le prix qui lui est proposé.
Afin de voir fuir les acquéreurs, l’hôtelier sera tenté de contester la régularité de la purge de son droit de préemption en contestant un non-respect des formes prévues par le statut des baux commerciaux pour les notifications ou encore la valeur d’achat des murs qui lui est proposée en soutenant que cette valeur est très surévaluée dans un souci de fraude.
Vous pourrez voir à ce sujet les commentaires cités ci-dessus.
Le droit de préemption dont peut bénéficier l’hôtelier entrainera en cas de procédure un délai de plusieurs années pour la clôture de la procédure.
Ce long délai risque d’inciter le tiers acquéreur à renoncer à son investissement et il convient de tenir compte, lors d’une décision d’acquisition et l’établissement de la promesse de vente, des risques de préemption ou de contestation de préemption par l’hôtelier.
En cas de décision d’acquisition des murs par l’hôtelier, ce dernier se posera la question de savoir s’il convient d’acquérir les murs au sein de la société d’exploitation (Pierre au Bilan) ou au sein d’une société spécialement constituée telle qu’une société civile immobilière (Pierre hors Bilan).
1. La pierre au bilan
L’intérêt pour l’hôtelier de loger les murs dans sa société d’exploitation réside dans le fait qu’il pourra procéder à un amortissement du prix d’acquisition sur une période de trente à cinquante ans, ce qui améliorera sa trésorerie et permettra après remboursement total de son emprunt de ne plus acquitter de loyers en contrepartie de la jouissance de l’immeuble.
L’inconvénient de la pierre au bilan réside dans le fait qu’en cas de revente de l’hôtel, le prix qui sera proposé par l’acquéreur tiendra compte du poids de la Pierre au bilan de l’exploitant.
Les murs risqueront donc d’être sous-évalués par rapport à la valeur du fonds de commerce.
2. La pierre hors bilan
L’intérêt pour l’hôtelier de créer une société distincte de sa société d’exploitation pour l’acquisition des murs consiste :
- à protéger en cas de faillite de la société d’exploitation, la propriété des murs ;
- à permettre à travers les loyers (les murs seront loués par la société propriétaire à la société d’exploitation) de rembourser le montant des emprunts contractés pour l’acquisition des murs
- à constituer une retraite à travers les loyers acquittés par la société d’exploitation.
- à faciliter la revente des murs indépendants de la valeur de revente du fonds de commerce.
Deux options fiscales peuvent alors être envisagées : une imposition sur les revenus fonciers ou une imposition sur les sociétés.
a) En revenus fonciers
L’avantage résultera principalement pour les associés en revenus fonciers de la disparition de toute plus-value imposable lors de la revente des murs passée 22 ans (sauf les prélèvements sociaux jusqu’à 30 ans).
Par contre, il convient cependant de remarquer que l’acquisition des murs par une société dans une logique de revenus fonciers va créer des insuffisances de trésorerie dès que, après quelques années, les intérêts acquittés au titre des emprunts vont diminuer au profit du capital.
Par ailleurs, pendant les premières années de remboursement d’emprunt, les remboursements d’intérêts bancaires versés par la société seront entièrement déductibles de ses comptes de résultat.
Ensuite, la part de capital qui sera remboursée sera imposable à l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP) au taux d’imposition applicable aux associés en rappelant que l’IRPP peut atteindre 62,5% du revenu imposable.
Une insuffisance de trésorerie résultera également du fait que l’amortissement de l’investissement n’est pas possible dans une logique de revenus fonciers.
b) En impôt sur les sociétés
Pour ces raisons, il conviendra peut-être d’envisager l’acquisition des murs par une société soumise à l’Impôt sur les Sociétés (IS) laquelle bénéficiera de la possibilité d’amortir les murs ainsi que d’un taux d’imposition de 31%, bien inférieur au taux d’imposition de l’IRPP, ce qui peut être le cas d’une SCI sur option.
II – LES TECHNIQUES EXPERTALES
A. Les méthodes d’expertises en usage
Afin de déterminer la valeur vénale des murs de l’ensemble immobilier, il s’agit de déterminer la valeur locative des locaux à usage principal d’hôtel. C’est la méthode dite par capitalisation. Elle consiste à déterminer la valeur vénale du bien en fonction du revenu soit actuel soit prévisionnel si le bien était libre. Le rapport entre le loyer et le prix est le taux de rendement, taux tenant compte des critères d’emplacement, de la qualité de construction et de la fluidité de marché.
Une seconde méthode est adoptée : la méthode par comparaison consiste à rechercher la valeur vénale du bien à partir des prix constatés lors de transactions de biens comparables, en nature et en localisation, à une date la plus proche possible de celle à laquelle l’estimation doit être faite. Afin de permettre sa mise en œuvre, le prix est ramené à une unité de mesure : le prix par chambre
Une méthode plus récente est apparue avec l’émergence de l’industrie hôtelière. Nous parlerons de méthode RevPAR dite « Anglo-saxonne », se basant sur la performance des hôtels en fonction de l’occupation, du prix et de la rentabilité moyenne par chambre disponible ou louée. Ainsi, avec cette méthode, nous répartissons un profit entre propriétaire de l’immeuble et exploitant du fonds hôtelier, mais en indexant le loyer au résultat brut d’exploitation et non plus au chiffre d’affaires, ce qui permet de combiner le volume d’affaires et sa rentabilité.
B. La méthode par capitalisation
La méthode par capitalisation permet d’obtenir la valeur vénale d’un bien en appliquant au revenu locatif réel ou escomptable, un taux de rendement convenablement choisi par rapport au marché de l’investissement.
La valeur locative correspond, d’après la charte de l’expertise immobilière, à une contrepartie financière annuelle susceptible d’être obtenue sur le marché de l’usage d’un bien immobilier dans le cadre d’un contrat de location.
Deux méthodes hôtelières s’imposent dans l’établissement du chiffre d’affaires théorique. On parlera de méthode hôtelière dite « statique » ou de méthode hôtelière dite « dynamique ».
C. Méthode hôtelière dite « statique »
Dans la méthode hôtelière dite « statique », Il s’agit de calculer le chiffre d’affaires maximum ou « chiffre d’affaires théorique » (taux de remplissage de 100%) qui peut être réalisé en fonction de la capacité de l’hôtel et du prix des chambres affichés. Par la suite, l’application d’un taux de remise moyen doit être imputé sur ce chiffre d’affaires théorique. Si l’expert ne connaît pas le taux de remise moyen appliqué sur le prix affiché des chambres, il appliquera un taux moyen forfaitaire de remises commerciales entre 20 et 30%.
Si ce chiffre normatif est plus élevé que le chiffre d’affaires constaté sur le seul hébergement, il convient néanmoins de se baser sur le chiffre d’affaires normatif lié à l’hébergement et non sur le chiffre d’affaires réel.
Dans la pratique, il s’avère que la valeur locative extraite d’une méthode hôtelière dite « statique » est souvent inférieure à sa véritable valeur. Étant adaptée pour une forme d’hôtellerie traditionnelle avec des prix fixes et une clientèle qui lui est propre, elle se retrouve rapidement bousculée et difficilement quantifiable avec l’arrivée des nouveaux modes de distribution de l’offre du parc hôtelier.
D. Méthode hôtelière dite « dynamique »
Dans la méthode hôtelière dite « dynamique », il s’agit d’extraire la valeur locative par transposition d’éléments connus du marché, tout en veillant à intégrer les variations liées à la saisonnalité et aux différents éléments exceptionnels qui pourraient impacter significativement le prix moyen constaté par chambre. Dans cette méthode, nous utiliserons trois indicateurs pour déterminer le chiffre d’affaires théorique annuel sur une base de données regroupées en interne et en externe. Ainsi, le nombre de chambres, le prix moyen annuel de location de chambre et le taux d’occupation moyen (sur les trois dernières années) pour des hôtels de même catégorie seront retenus. Nous obtenons, au travers d’une multiplication des différents indicateurs, le chiffre d’affaires théorique TTC de l’hôtel.
De ce fait, lorsque les établissements pratiquent le Yield Management en adaptant leurs tarifs à la fréquentation, il n’est alors plus pertinent de s’appuyer sur les prix affichés (méthode hôtelière dite « statique »), qui perdent dans ce cas leur sens économique. Ces statistiques, extraites d’un nombre important de biens comparables, ne peuvent donc pas être considérées comme arbitraires, incertaines ou aléatoires.
Notons que le tribunal de grande instance de Paris a initié cette évolution en écartant la référence aux prix affichés, peu pertinents, pour privilégier les prix praticables de source statistique (TGI Paris, 23 juin 2015, RG n° 12/15303).
E. Détermination de la valeur locative de l’hôtel
Une fois le chiffre d’affaires théorique TTC extrait, il conviendra de l’ajuster Hors Taxes (HT) en tenant compte des problématiques de TVA et de taxes de séjour, le cas échéant. Ce chiffre d’affaires théorique HT, autrement appelé recette théorique HT, va être retenu comme base de calcul pour déterminer la valeur locative de l’hôtel.
Par la suite, nous procéderons à la déduction d’un abattement internet dans le cas de l’utilisation de la méthode hôtelière dite « dynamique ». Aussi, avec la prise de position de plus en plus importante des OTA (Online Travel Agencies), il conviendra d’ajuster ce chiffre d’affaires théorique à la traction et part des commissionnements réalisés par ces plateformes sur le chiffre d’affaires de l’hôtel. Cette remise implicite, le plus souvent difficile à identifier, sera cependant la plupart du temps inférieure à la remise sur le prix moyen des chambres effectué au niveau hôtelier, et directement pris en compte dans la méthode hôtelière dite « statique ».
La définition d’un taux d’occupation intervient alors dans le calcul de la valeur locative de l’hôtel. Ce taux sera déterminé au travers de sources documentaires fournies, tout en veillant à tenir compte de la situation et des caractéristiques de l’hôtel. Ce taux sera ainsi imputé à notre chiffre d’affaires théorique retenu.
Dans la nouvelle méthode hôtelière traditionnelle, il est d’usage d’intégrer, les autres « sources de profits » potentielles en raison de leur caractère aléatoire et facultatif.
Nous distinguerons trois catégories principales de sources de profits annexes, dont la détermination de leur impact sur le loyer se calculera par mètre carré, en utilisant une fraction de la recette ou au travers d’une analyse de valeur locative de locaux similaires. Nous retiendrons :
- Les salles de réception ou de séminaire
- Les salles de restauration
- Les boutiques
Le taux de prélèvement sur les recettes annexes dans les hôtels 3, 4, 5 étoiles est un taux complémentaire devant rémunérer à la fois l’actif immobilier et le travail de l’exploitant. Il est à déterminer au cas par cas, aucun usage n’étant codifié pour répondre aux multiples cas de figure pouvant survenir. Il est important de mentionner que pour les hôtels-restaurants dont l’hébergement constitue l’accessoire, le prélèvement sur l’hébergement doit demeurer modéré.
Nous appliquons à notre chiffre d’affaires théorique un pourcentage sur recette, qui varie généralement entre les fourchettes exposées ci-après. S’agissant des pourcentages sur recettes, les taux retenus varient en fonction des catégories de :
- 21 à 25 % : En situation secondaire (type zone industrielle et d’activité, éloignée du centre-ville), pratiquement sans services autres apportés (hôtels 0 étoile et 1 et 2 étoiles) que le logement.
- 18 à 21 % : Pour les hôtels équivalents à 1 ou 2 étoiles banalement placés, avec prestations annexes modérées.
- 15 à 18 % : Pour les hôtels 3 et 4 étoiles en centre-ville ou en périphérie.
- 12 à 15 % : Pour un hôtel 5 étoiles.
Des déductions pour tenir compte de l’incidence de travaux nécessaires à l’exploitation non acquis au propriétaire (loi du 1er juillet 1964) et des charges exorbitantes de droit commun (article 606, taxe foncière, assurance…) peuvent être retenues, le cas échéant.
Nous obtenons ainsi la valeur locative de l’hôtel.
F. Détermination du taux de rendement de l’hôtel
Ensuite, il conviendra de fixer un taux de rendement pour capitaliser cette valeur locative : le taux de rendement se détermine par comparaison avec les taux relevés sur le marché pour une même catégorie d’actifs immobiliers soit 6,5%-8% pour les hôtels situés dans les centres-villes de grandes métropoles. Il doit être ajusté par de nombreux critères d’appréciation spécifiques aux locaux considérés, dont les principaux sont les suivants :
- Caractéristiques extrinsèques : la situation de l’immeuble, l’intérêt de l’emplacement, l’environnement, le voisinage, la desserte ;
- Caractéristiques intrinsèques : sa consistance, son état, la qualité de construction de l’immeuble, les matériaux utilisés, les équipements ;
- Caractéristiques juridiques : les clauses introduites dans le bail, la situation locative, la destination des locaux.
Le taux de rendement des hôtels moyens de gamme sur Paris s’élève entre 3% et 6%.
Les hôtels de luxe sont des biens d’exception acquis le plus souvent par des fonds étrangers sur les horizons long-terme (25 ans) faisant office de vitrine et généralement avec de faibles rendements (effet prestige et rareté de l’offre). Le rendement est fortement lié à l’adresse.
Par exemple, dans le cas d’un hôtel 5 étoiles neuf situé près de la Place Vendôme, le rendement de l’actif sera réduit à 2,25%.
G. Détermination de la valeur vénale des murs de l’hôtel :
La valeur vénale des murs de l’hôtel est ainsi obtenue en divisant la valeur locative par le taux de rendement estimé de l’hôtel. Par conséquent, la valeur vénale des murs de l’hôtel sera croissante à une augmentation de la valeur locative et/ou une diminution du taux de rendement estimé.
H. La méthode par la comparaison
La méthode par comparaison consiste à rechercher la valeur vénale du bien à partir des prix constatés lors de transactions de biens comparables, en nature et en localisation, à une date la plus proche possible de celle à laquelle l’estimation doit être faite.
L’application de la méthode d’estimation par comparaison nécessite le regroupement d’un certain nombre de points de comparaison résultant de transactions effectivement conclues et sincères. Cela revient à écarter en particulier les mutations à titre amiable et non onéreux, les offres de vente ou d’achat non suivies d’une transaction, et celles pour lesquelles les circonstances particulières peuvent avoir faussé le résultat.
Afin d’effectuer cette comparaison, il s’agira de confronter l’hôtel à estimer à chacun des points de comparaison retenus. Dans le cadre de l’évaluation des murs d’un hôtel, il sera intéressant de recenser des biens, lors de l’expertise, au travers des facteurs suivants, non limitatifs :
- Date d’exécution de la transaction ;
- Montant de la transaction réalisée ;
- La qualité de l’emplacement : l’orientation, la vue, la proximité d’un axe routier, d’une zone d’activités, d’un centre d’intérêt régional ou national ;
- La qualité des chambres, le niveau de confort ;
- Les surfaces et les possibilités d’extension ;
- L’état des locaux ;
- Les aménagements intérieurs comprenant : le nombre de lits, chambres, couverts, place terrasse, bar, salles de séminaires, matériel, équipements informatiques et technologiques, télésurveillance ;
- L’environnement : place de parking, espace détente, loisirs ;
- Contrats de bail et carnets d’entretien et d’aménagement ;
- Les travaux à prévoir ;
- Les normes réglementaires et de sécurité ;
- La typologie de la clientèle et sa saisonnalité : de passage, pour affaire, de tourisme ; familiale ou professionnelle ; courte ou longue durée.
Une fois le regroupement terminé et une liste de comparable dressée, il conviendra d’extraire, au travers de l’analyse par chambre disponible, la valeur vénale du bien. Plusieurs moyens de traitements des comparables vont pouvoir être effectués.
I. Détermination de la valeur moyenne par chambre :
Généralement, la détermination de la valeur moyenne par chambre va s’effectuer au moyen d’une moyenne arithmétique étant calculée en faisant la somme des valeurs par chambre des comparables divisés par le nombre de comparables analysés.
Aussi, il sera possible dans certains cas d’avoir recours à une moyenne pondérée, permettant d’assigner un poids à certains hôtels dans la liste de comparables et ainsi se rapprocher d’une estimation plus significative du bien analysé.
J. Détermination de la valeur vénale des murs de l’hôtel :
Une fois la valeur moyenne par chambre récupérée, il conviendra d’appliquer cette valeur au nombre de chambres présentes dans l’hôtel. La multiplication du nombre de chambres par la valeur moyenne par chambre retenue nous permettra ainsi d’extraire la valeur vénale du bien analysé.
K. La méthode RevPAR dite « Anglosaxonne »
Cette méthode, influencée par la comptabilité anglo-saxonne, s’applique à l’hôtellerie de chaîne, plus communément appelée hôtellerie industrielle, intégrée ou affiliée qui utilise une gestion centralisée permettant de supporter des charges importantes. Cette méthode d’outre-manche vient de ce fait compléter les méthodes dont dispose l’expert pour réaliser sa valorisation en fonction du bien visé. Etant principalement ciblé sur le marché de l’industrie hôtelière, cette méthode repose sur une analyse de performance de l’hôtel, dans laquelle le profit est réparti entre le propriétaire et l’exploitant du fonds hôtelier.
La méthode RevPAR (Revenue per available room) qui représente le revenu hébergement par chambre disponible, consiste à rechercher la part du résultat global pouvant être affecté au loyer. Le calcul basé sur le compte d’exploitation s’effectue en prenant en compte le GOP (Gross Operating Profit) ou appelé RBE (Résultat Brut d’Exploitation) hôtelier. Il s’agit de considérer qu’une partie du GOP doit revenir au bailleur selon un pourcentage variable en fonction de la catégorie de l’hôtel.
Les valeurs locatives des locaux annexes (restaurations, boutiques, séminaires) et les charges augmentatives (assurances, impôt foncier, etc.) sont les correctifs à prendre en compte. S’agissant des palaces, les établissements haut de gamme, la valeur locative hôtelière peut être élargie aux recettes annexes. Le RBE est calculé dans ce cas sur l’ensemble du chiffre d’affaires hors taxes.
Le loyer ainsi dégagé est souvent plus élevé que celui qui résulte de la Méthode hôtelière d’où le manque d’appétence des locataires pour l’adopter, surtout dans le cas d’exploitations peu rentables.
L. Détermination de la valeur vénale des murs de l’hôtel :
De façon similaire à la méthode hôtelière, il conviendra de capitaliser la valeur locative avec un taux de rendement déterminé. Nous retiendrons, afin de d’établir ce taux de rendement, la même démarche que celle exposée précédemment. La valeur vénale des murs l’hôtel est ainsi obtenue en divisant la valeur locative par le taux de rendement estimé de l’hôtel.
III – APPLICATION PRATIQUE
Les hôtels prestigieux tels que les palaces parisiens, lesquels sont vendus, le plus souvent, à des investisseurs étrangers pour des raisons d’image, la valeur des murs de l’hôtel se trouve incorporée à la valeur du fonds de commerce sans aucune référence à des méthodes de capitalisation ou de comparaison, en l’absence de transactions suffisamment importantes pour servir de référence.
Pour les hôtels allant de la catégorie 1 à la catégorie 4, la valeur des murs est très inférieure à la valeur du fonds de commerce aussi bien lorsque les murs sont évalués à partir de la méthode par capitalisation ou la méthode par comparaison.
Cependant, pour des murs d’hôtels situés dans les beaux quartiers des grandes villes, il peut être intéressant, pour un investisseur, d’acquérir les murs en les évaluant libres d’occupation avec abattement de la valeur du fonds de commerce sur le prix qui sera payé.
Ainsi, l’investisseur recherchera un rendement locatif supérieur à ce qu’il serait s’il n’avait pas procédé à l’éviction du locataire.
En effet, le rendement locatif d’un hôtel est le plus souvent inférieur à celui qu’il serait si l’immeuble était loué à usage d’habitation, notamment en meublé.
Ainsi, pour 600m² utilisables à usage d’habitation, dans le 7ème arrondissement de PARIS, à proximité de l’hôtel des INVALIDES, la valeur d’un immeuble à usage d’habitation représente, par référence aux prix pratiqués, soit 18.000 euros le m², 600 X 18.000 = 11.000.000 euros environ.
L’hôtel exploité dans ces 600m² comporte 25 chambres d’une surface moyenne de 15m² et 100m² de réception et restauration et il réalise un chiffre d’affaire annuel de l’ordre de 1.000.000 euros.
Si l’on considère que l’indemnité d’éviction qui sera versée à l’hôtelier représente 4 fois le chiffre d’affaire annuel, cette indemnité d’éviction peut être évaluée, au maximum, à 4.000.000 euros. L’investisseur, pour évincer l’hôtelier, et procéder à un changement d’usage de l’hôtellerie à l’habitation, devra verser, à l’hôtelier, une indemnité d’éviction de 4.000.000 euros.
La valeur vénale des murs de l’hôtel combinée à l’indemnité d’éviction retenue et aux divers aménagements nécessaires à la transformation du bien devra donc au terme de l’opération faire ressortir un bénéfice pour l’acquéreur.
Retenons pour mesure d’illustration qu’après évaluation et au travers de l’utilisation de la méthode par capitalisation, nous arrivions à une valeur locative de 120.000 euros annuel. Cette dernière, capitalisée au taux de 3%, induit une valorisation des murs de 4.000.000 euros.
L’acquisition des murs additionné à l’évincement de l’exploitant hôtelier reviendrait ainsi à environ 8.000.000 euros. Il s’agira de tenir également compte des frais et des délais entrainés par l’éviction du locataire, lesquels viendront en déduction du prix offert. Aussi, la prise en compte des travaux afin de réhabiliter le bien d’hôtel à appartement sera à prendre en compte dans le calcul de l’investissement.
Ainsi, plusieurs possibilités seront disponibles pour l’acquéreur, que ce soit la mise en location ou la vente de ces appartements. Plaçons-nous dans le cas où ce dernier souhaiterait conserver une rente mensuelle, comme cela aurait été le cas avec l’exploitation hôtelière. Admettons une séparation de l’hôtel en 17 appartements d’une surface moyenne habitable de 30m², avec un prix mensuel à la location retenu dans le 7ème arrondissement de Paris de 35€ m². Nous retiendrons par conséquent une surface de parties communes de l’ordre de 90m². La valeur locative du bien s’établit de fait à 215.000 euros annuel maximum, ou 190.000 euros annuel en tenant compte d’un taux de remplissage à 90% des appartements loués.
En comparaison avec une location à un exploitant hôtelier, l’opération permettrait de générer un rendement locatif bien plus intéressant. De ce fait, le pari réussit aboutirait à augmenter le rendement locatif de plus de 50% pour l’acquéreur.
Dans cette optique, les murs d’hôtels situés dans de beaux quartiers, à usage d’habitation, peuvent présenter un intérêt pour un investisseur privé intéressé soit par la conservation de l’immeuble en patrimoine soit la revente de l’ensemble immobilier après travaux et mise en copropriété.
IV – CONCLUSION
Il peut paraître intéressant de transformer des murs d’hôtels à usage d’habitation soit nu soit meublé.
Il est nécessaire que l’immeuble soit situé dans un beau quartier d’une grande ville et dans un secteur d’habitation.
Après prise en compte de l’indemnité d’éviction qui devra être versée à l’hôtelier, le prix d’achat de l’immeuble qui sera proposé tiendra compte de l’indemnité d’éviction laquelle viendra en déduction de la valeur vénale de l’immeuble par comparaison avec des immeubles similaires dans le même quartier.
L’acquéreur de l’immeuble tiendra compte également des difficultés tenant à l’éviction de l’hôtelier telles que la durée nécessaire à l’éviction de l’immeuble et les frais de procédure.
Une procédure judiciaire d’éviction dure, au minimum, 4 ans, durée d’expertise comprise, et deux degrés de juridiction sans compter un éventuel pourvoi en cassation qui pourrait retarder la mutation s’il existe un litige sur la validité de la notification purgeant le droit de préférence de l’occupant.
L’expérience récente vécue à travers le confinement rendant difficile si ce n’est impossible l’exploitation des hôtels, est de nature à provoquer la mise en vente sur le marché de murs hôteliers situés dans des quartiers de prestige.
ADMINISTRER, N°555, JUILLET 2021